Revue de livre : "Kingdom Conspiracy" (Scot McKnight)


Je vous propose une revue d'un livre qui m'a beaucoup marqué : Kingdom Conspiracy de Scot McKnight.

Parce que ce livre n’est pas traduit en français, je vais surtout me focaliser sur son contenu, afin que, sans l’avoir lu, vous puissiez bénéficier de ses grandes idées.

1. Une mini-révolution

Ce livre semble être écrit en réaction à des idées existantes : d’un côté une nouvelle génération de leaders chrétiens marqués par la post-modernité et rejetant la vision traditionnelle et sèche du christianisme et de l’église, qui utilise le mot Royaume à tort et à travers ; et de l’autre côté une "vieille garde" qui a une vision plus juste et plus classique de ce que c’est que le Royaume, mais qui n’en manifeste en fait qu’une vision partielle. Si bien des théologiens et pasteurs ont écrit un nombre de choses intéressantes sur le Royaume depuis les années '70, il y a encore des imprécisions qui demeurent. McKnight est le premier auteur à s’aventurer à tenter un correctif du tir de G.E. Ladd, qui a été considéré, depuis maintenant plusieurs décennies comme la référence en la matière (voire même « Mr Royaume » !). Ce livre constitue donc une mini-révolution.

2. La définition du Royaume

La clique de jeunes postmodernes, d’après McKnight, est en train de définir le Royaume, et les œuvres du Royaume, comme "toute œuvre bonne faite par des gens bien dans la sphère publique, pour le bien commun". McKnight affirme sans ambages que cet usage du concept "Royaume" n’apparait nulle part dans la Bible. Et il fait bien de le dire !

La bande d’auteurs et prédicateurs de la vieille garde, eux, mettent l’accent sur le fait que prêcher le Royaume, c’est prêcher le salut en Christ, qu'entrer dans le Royaume, c’est aller au paradis, et que faire les œuvres du Royaume, c’est prêcher le pardon de nos péchés par l’œuvre de la croix. McKnight dit que cette vision est trop limitée.

Pour lui, "la notion de Royaume dans le monde de Jésus aurait voulu dire 'un peuple gouverné par un Roi'" (p. 66). En disant cela, McKnight lie le Royaume et l’Église de façon absolument indissoluble. Il le résumera à la toute fin du livre ainsi :

"Ceci signifie qu’il est raisonnable de dire que le Royaume est l’Église, et l’Église est le Royaume – qu’ils sont les mêmes, bien que n’étant pas identiques […]. Ces deux termes ont, néanmoins, des connotations différentes. Plus précisément, 'royaume' accentue l’idée de royauté, tandis qu' 'église' accentue la communauté." (p. 206).

Il résume sa définition du Royaume ainsi :

"Le Royaume est – presque toujours, avec différents degrés et accents – un assemblage de l’idée de roi, de règne, de peuple, de territoire, et de loi. L’Église est aussi un assemblage : un roi (Christ), un règne (Christ, régnant sur le corps de Christ), un peuple (l’Église), un territoire (répandre Israël dans la diaspora1), et une loi (la loi de Christ, la vie de l’Esprit)." (p. 205)

3. La mission du Royaume

Il affirme donc ce qu’il prétend être une des conclusions les plus fortes du livre : "La mission du Royaume est la mission de l’Église et la mission de l’Église est la mission du Royaume, et il n’y a pas de mission du Royaume qui ne soit pas la mission de l’Église. » (p. 96) Il dira ensuite ceci : "La mission du Royaume est de créer et maintenir cette communauté du Royaume, l’Église." (p. 99) Bim !

Plus loin il dira ceci :

"Quiconque appelle ce qu’ils font 'l’œuvre du Royaume', mais ne présente pas Jésus aux autres, ou ne les appelle pas à se soumettre au Roi Jésus, le Seigneur et le Sauveur, ne fait tout bonnement pas la mission du Royaume ou l’œuvre du Royaume. Ils font sans doute de bonnes œuvres et de la justice sociale, mais jusqu’à ce que Jésus soit présenté, ce n’est pas l’œuvre du Royaume." (p. 142)

Si cette notion vous semble difficile à avaler, pensez le comme suit : vous êtes un français envoyé un Espagne pour faire avancer la renommée de la France (et donc de son glorieux leader). Si vous ne faites que bien vous comporter en Espagne, les Espagnols se diront : "tiens, en voilà un bon Espagnol ! J’aimerais être plus comme lui !" Ce n’est que si vous portez le drapeau tricolore dans tout ce que vous faites, et que vous œuvrez pour le bien de l’Espagne que les Espagnols se rendront compte de la gloire de la France et de son glorieux leader2. Faire des bonnes œuvres sans le faire de façon explicite dans le nom du Roi du Royaume n’a aucun sens.

En citant Richard Bauckham, il définit à quoi ressemble la mission du Royaume, et, par conséquent, la mission de l’Église :
  • En ce qui concerne l’oppression démoniaque, la conquête
  • En ce qui concerne la mauvaise représentation du règne de Dieu, la réprimande claire
  • En ce qui concerne le laxisme, l’alerte
  • En ce qui concerne le péché et l’échec, le pardon et l’assurance de l’amour [et je rajouterais "la puissance pour surmonter et vaincre le péché"]
  • En ce qui concerne la maladie, la guérison
  • En ce qui concerne le besoin matériel, la provision du pain quotidien
  • En ce qui concerne l’exclusion, l’inclusion chaleureuse
  • En ce qui concerne la désir de pouvoir, un exemple du service humble et aimant
  • En ce qui concerne la mort, la vie
  • En ce qui concerne la fausse paix, la division douloureuse
  • En ce qui concerne l’inimitié, la réconciliation (p. 142)
Il qualifie tout cela plus loin en disant ceci :

"Toute activité 'rédemptrice' qui ne règle pas le problème du péché et qui ne trouve pas sa force en la croix, qui ne voit pas Jésus comme le principal agent agissant, et qui ne voit pas toutes ces choses comme la libération sur la terre de la vie de la nouvelle création ne vit pas la rédemption du Royaume, même si ce qu’il fait est libérateur et bon pour le bien commun." (p. 150)

Une dernière idée centrale pour comprendre son message :

"En une phrase simple : ce que les chrétiens souhaitent pour une nation devrait d’abord être une réalité visible dans leur Église locale. Tant que l’Église locale n’incarne pas ce désir pour la nation, le témoignage de l’Église n’a aucune crédibilité. Lorsqu’elle est incarnée dans l’Église locale, cette incarnation est le seul activisme dont l’Église ait besoin. » (p. 102)

Quel défi génial pour nos Églises. Vous voulez changer le monde ? Vivez ce changement dans l’église, et le monde en sera transformé !

Conclusion

Il y aurait tellement d’autres choses à dire sur ce livre, mais cette revue en deviendrait indigeste (en tous cas dans le format blog). Cependant, il y a tellement d’autre idées absolument essentielles dans Kingdom Conspiracy. Si vous lisez l’anglais, je vous recommande on ne peut plus fortement de vous le procurer, de le lire, de griffonner dessus, de re-lire 4 ou 5 fois des passages denses d’enseignement qui y sont contenus.

Scot McKnight a fait un cadeau merveilleux à l’Église, et donc au monde, en écrivant ce livre qui nous aide à mieux comprendre le thème central de la prédication de Jésus (et des apôtres 😊) : le Royaume de Dieu. 5 étoiles, et vivement recommandé !

Notes :


1 McKnight a expliqué plus tôt dans le livre que l’Église n’est pas un remplacement d’Israël, ni une réalité parallèle à Israël, mais "l’expansion d’Israël pour les Païens" (p.88). Autrement dit, l’Église est Israël accompli et Israël augmenté. Ceci est une réalité spirituelle, toute autre de la notion (discutable) d’un État-nation qui viendrait accomplir les prophéties bibliques déjà accomplies en Jésus.

2 Je me rends compte que dans le contexte politique actuel, un tel exemple de conquête nationaliste peut être un peu indigeste. Je ne suis bien sur pas en train de faire l’apologie de ce genre de pratique, ni en train de dire que notre leader (quiconque est élu au moment où vous lisez ceci) mérite d’avoir sa gloire vantée dans les autres nations du monde. Ce n’est qu’une analogie pour nous aider à comprendre la nature du Royaume de Dieu et de la mission de ceux qui en sont citoyens.

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