Un peu de sérieux... – Le rapport aux responsables

  

Cet article fait partie d’une série d’articles dans laquelle je cherche à appeler le mouvement charismatique auquel j’appartiens à quelque chose de plus équilibré, de plus puissant et de plus biblique.

Le rapport aux responsables dans les Églises charismatiques a souvent été problématique. Entre le mouvement qui a développé la doctrine de la "couverture spirituelle", insistant que chaque croyant devait se soumettre à l'égide d'un "berger" pour lui dire comment agir spirituellement (le "shepherding movement" des années 1970), à un hiérarchisme très prononcé au sein de certains mouvements, notre tradition d'Église n'a eu que très peu d'exemples sains sur lesquels s'appuyer.

Aujourd'hui, ces traits exerçant une sorte de "chape de plomb" spirituelle sur la vie de croyants reste d'actualité dans bien des milieux. Je rencontre beaucoup de croyants qui ont fréquenté les milieux pentecôtistes et charismatiques qui ont du mal à me traiter comme un simple frère en Christ dès qu'ils savent que je suis responsable d'Église (et quand ils apprennent que j'ai un ministère extra-local aussi, c'est encore pire). Il y a chez beaucoup une incapacité à prendre des décisions seul sans devoir passer par l'aval d'un pasteur ou un autre type de responsable. Là, la responsabilité est à imputer autant aux responsables qui, de façon parfois subtile, maintiennent les gens dans cette erreur et cette relation faussée. Nous pouvons (et devons) dé-mystifier les responsables. Nous ne sommes pas une classe supérieure de chrétiens et ne devrions pas être traités comme tels, de quelque manière que ce soit. Oui, il est normal et bon d'honorer ses conducteurs dans le Christ, de prier pour eux, les encourager, les écouter, suivre leurs instructions quand ils sentent que vous allez dans une mauvaise voie spirituellement et prennent le temps de vous en parler, pousser dans la direction qu'ils donnent à votre Église, d'un bon cœur. Mais tout ça est très différent de les mettre sur un piédestal. J'ai le sentiment que bien souvent, on a soit une insoumission excessive vis-à-vis des responsables, soit une dépendance excessive vis-à-vis d'eux. Dans un cas comme dans l'autre, on a une vision déficiente de l'équilibre individu-collectif, et un manque de volonté de se bouger qui est là. On refuse de suivre un leader d'Église par passivité ; on refuse de prendre responsabilité pour soi-même par passivité. D'un côté ou d'un autre, se réveiller et se bouger, ça va passer par une vision plus saine du rapport aux responsables.

Je vois tellement souvent dans les églises charismatiques une désignation des responsables comme les "hommes de Dieu", et toute une théologie malsaine qui va avec ça, d'ailleurs, basée sur Psaume 105.15 ("Ne touchez pas à ceux que j'ai désignés par onction et ne faites pas de mal à mes prophètes !") Ainsi, dire qu'on n'est pas d'accord avec un responsable d'Église devient un tort spirituel. On fait des grands leaders d'Église des quasi-papes ! "Si Dieu les a béni avec une grande Église, une grande plateforme, une grande influence, ils doivent avoir raison, non ?" Non. Les dons et la bénédiction de Dieu sont des cadeaux libres de sa grâce (et d'ailleurs l'influence et la richesse sont un piège autant qu'une bénédiction, Jac 5.1-6 ; 1 Ti 6.17-19). Ce ne sont pas des marques de la justesse de l'enseignement de quelqu'un ou de l'approbation de Dieu sur son ministère. C'est la Bible qui est le fil à plomb contre lequel on mesure l'enseignement de quelqu'un et la ressemblance à Christ de quelqu'un, pas le nombre de personnes qui l'écoutent ou quelque autre marque d'honneur terrestre. Les amis, le Nouveau Testament nous montre un seul "homme de Dieu" meilleur et véritable, et nous sommes tous appelés (responsables ou pas) à aller à sa suite et à voir son caractère formé en nous tous, pour lui ressembler au plus près dans ce monde (1 Jn 4.17). Nous suivons Jésus, et le rôle premier des responsables, quelle que soit la nature de leur ministère, est de vous pointer vers Christ. Un leader de type apostolique qui vous parle d'autre chose que Jésus n'est pas biblique. Un leader fort dans le prophétique qui ne prophétise pas de façon à conduire à Christ ne parle pas de la part de Dieu. Un évangéliste qui ne vous prêche pas Christ prêche un faux évangile. Un berger qui ne vous conduit pas vers Christ vous égare et un enseignant qui ne centre pas sa doctrine sur Christ vous fait faire fausse route dans votre vision de la foi. C'est aussi simple que ça... Et Jésus pour Jésus ; pas Jésus pour qu'il vous garantisse un succès terrestre. Ça, c'est pas conduire à Christ. Ça, c'est utiliser Christ pour vous conduire autre part. Et lorsqu'on laisse les gens nous voir comme des "hommes de Dieu", on distrait les regards du véritable "homme de Dieu" – Christ.

Un dernier point, qui nourrit sans doute notre vision faussée des responsables est la culture des titres. "Pasteur ceci", "évangéliste cela", "apôtre ceci", "bishop", "chantre" ou même "frère" ou "sœur" ceci ou cela. Depuis quand est-ce qu'on parle comme ça ? Et d'où ça vient ? Et qu'est-ce que ça vise ? Soyons un peu moins portés sur la grandiloquence, les positions et la stature. Si c'est important pour nous que quelqu'un ait une position ou un titre pour accepter son leadership, alors nous avons une vision faussée de ce à quoi sont censé ressembler les relations dans l'Église. Oui, la reconnaissance de ministères est quelque chose d'important, justement, pour éviter les "auto-proclamés" et les gens qui s'érigent en leaders alors que personne ne leur a donné cette reconnaissance de façon légitime. Mais l'autorité spirituelle des leaders dans l'Église ne vient pas d'un titre, mais de ce que Dieu fait en et à travers eux. Et cela, les brebis en bonne santé le repéreront d'eux-mêmes. On n'a pas besoin de brandir des titres, de préfacer nos prénoms avec des qualificatifs pompeux et marqueurs de hiérarchie. C'est Jésus lui-même qui a dit ceci : "N'appelez personne sur la terre votre père, car un seul est votre Père, c'est celui qui est au ciel. Ne vous faites pas appeler chefs, car un seul est votre chef, c'est le Christ." (Mt 23.9-10)

On voit bien que c'est dans le contexte du leadership que Jésus parle ici, à cause des versets suivants. Ces versets devraient être placardés sur le bureau de chaque responsable d'Église dans nos milieux charismatiques et devraient constituer le sujet de la prédication lors de moments de reconnaissance de ministères dans chacune de nos Églises : "Le plus grand parmi vous sera votre serviteur. Celui qui s'élèvera sera abaissé et celui qui s'abaissera sera élevé" (Mt 23.11-12).

Donc, amis charismatiques, un peu de sérieux : arrêtons avec ce délire des titres et de la piédestalisation des leaders quoi...

Retrouvez les autres articles de la série ici : Série “Un peu de sérieux...” 

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