Quelques outils sur la fin des temps

J'ai suivi un cours sur l'eschatologie (la doctrine de la fin des temps) avec Claude Baecher ce semestre à Vaux-sur-Seine. J'ai retenu un grand nombre de données dans ce cours qui pourraient nous aider à mieux penser la vie chrétienne en général si notre vision de l'espérance chrétienne était mieux ajustée. Ce que je veux faire dans cet article n'est pas tant d'en partager les éléments d'enseignement, mais simplement de lister un nombre de petites choses qui peuvent ajuster notre façon de lire les textes concernant la fin des temps, qui m'ont personnellement beaucoup éclairé, et qui gagneraient à être mieux connus dans les églises évangéliques.

1. Une "fin des temps" comme un processus continu

Dans beaucoup de passages bibliques qui nous semblent parler de la "fin du monde", ce qui est en fait désigné est la fin d'un monde. Ainsi : 

  • Dans l'Ancien Testament, lorsqu'il est question du "Jour du Seigneur", il n'est pas question du retour final de Jésus, mais d'une intervention de Dieu décisive dans l'histoire. Le mot réservé au retour de Jésus est le "Grand jour du Seigneur". Ces "jours du Seigneur" qui surviennent au sein de l'histoire sont à la fois ténèbres et lumière dans leur portée, dépendant de votre positionnement vis-à-vis de Dieu.
  • De même, dans le Nouveau Testament, quand il est question des derniers jours, cela ne parle jamais du retour de Jésus, mais de la grande période entre son Ascension et le jour de son retour (nous sommes dans ces jours, donc, en ce moment). Le mot réservé pour parler du retour de Jésus est le dernier jour (singulier, Jn 6.44).
  • La "venue" de Jésus n'est pas un moment unique, final. Nous sommes, déjà maintenant, dans les temps de sa "venue". Comparez, côte à cote, les trois récits des paroles de Jésus devant le Sanhédrin pour voir comment, ensemble, Matthieu, Marc et Luc nous éclairent sur ce point : 
    • "Je vous le déclare, vous verrez désormais le Fils de l'homme assis à la droite du Tout-Puissant et venant sur les nuées du ciel" (Mt 26.64). Notez donc que cette réalité commence avec les événements de la Pâques.
    • "Désormais le Fils de l'homme sera assis à la droite du Dieu tout-puissant" (Lc 22.69). Notez ici que, plus précisément, c'est sa session à la droite du Père qui marque le début de ce moment.
    • "Vous verrez le Fils de l'homme assis à la droite du Tout-Puissant et venant sur les nuées du ciel" (Mc 14.62). Ce texte associe donc sa session à la droite du Père à sa "venue". Il est déjà, en ce moment, en train de venir (le verbe "venant" est au participe présent dans le grec, comme dans le français). Nous sommes dans le temps de sa venue. Oui, un temps vient où Jésus reviendra (Jn 14.3), mais nous sommes dans l'âge où Jésus est déjà en train de venir. Sa session à la droite du Père est active et non passive, et il agit déjà, par le Saint-Esprit, en l'Église, pour continuer à établir son règne, qu'il entérinera définitivement lors de sa "re-venue".

Ainsi, il y a des événements de type eschatologique qui surviennent dans l'histoire, qui sont des signes avant-coureurs du "Grand jour du Seigneur", lors "du" dernier Jour, lorsque le Jésus qui vient "re-viendra". Les divers grands bouleversements et percées pour la foi au cours de l'Histoire peuvent être apparentés à ce genre d'événement. Ils annoncent que Christ reviendra, mais que déjà aujourd'hui il règne et il "remet les pendules à l'heure" – dans l’Eglise d’abord par sa Parole et son Esprit – dans un monde en plein dérèglement.

2. Des inventions de toute pièce

Il y a des choses qui font partie de notre "imaginaire collectif" en tant qu'évangéliques, à cause de constructions théologiques fausses du passé, qui ont conduit des gens influents à imaginer une certaine "fin du monde", mais qui n'a en réalité aucun fondement biblique quel qu'il soit. Par exemple :

  • Le Millenium (qui peut être défini comme "un règne intermédiaire de Jésus, physiquement, sur la terre"). Notez ceci : il n'y a pas un seul texte biblique qui parle explicitement d'un règne physique intermédiaire de Jésus pendant 1 000 ans sur la terre. Pas un seul texte n'inclut ces éléments ! Cette vision du futur est basée sur des re-constructions faites pour harmoniser des passages problématiques, comme le fait que Daniel 9 détaille des événements à venir, et que la datation ne colle pas avec la vision théologique de ceux qui ont développé la croyance en un règne millénaire, physique, intermédiaire de Christ sur la terre.
  • L'enlèvement (qui peut être défini comme un moment au cours duquel les croyants seront emmenés loin de la terre pour y vivre un âge bienheureux pendant qu'une tribulation fait rage sur terre) ne comporte pas un seul passage biblique qui en parle. Le passage biblique clé sur lequel des gens se sont basés pour croire en cela est 1 Thessaloniciens 4.17, qui dit que : "nous qui serons encore en vie, nous serons tous ensemble enlevés avec eux sur des nuées à la rencontre du Seigneur dans les airs". Or il n'est pas question d'être enlevés quelque part pour y rester : le texte du clairement que c'est "à la rencontre du Seigneur" que nous allons. Or où va Christ ? Il descend (voir v. 16) ! Et le mot grec pour parler de sa "rencontre" est apantēsis – un terme technique pour parler d'une délégation qui sort accueillir un dignitaire lors de sa venue. Ce texte parle d'une descente sur terre, pas d'un enlèvement en l'air. D'ailleurs même le "dans les airs" ne parle pas nécessairement d'un lieu géographique : dans le seul autre endroit où Paul utilise le mot "les airs" (pluriel), il est référence d'une localisation spirituelle plus que géographique (Ép 2.2). 

Ainsi, il n'y a aucune justification biblique pour croire en une fin des temps qui conduise à un Millenium, ni une justification biblique pour l'enlèvement de l'Église. Que nous reste-t-il ? Quelque chose de beaucoup plus simple, et de corroboré par beaucoup d'autres textes : Jésus revient juger le monde et établir son règne sur la terre en une seule fois, sans période millénaire intermédiaire, lors de la résurrection de toute chose.

Il y aurait encore beaucoup de choses à dire, tant ce cours était riche. Et encore, en me focalisant sur ces aspects, je n'ai pas du tout abordé le point central du message biblique que M. Baecher a fait ressortir : la résurrection de Jésus change tout et colore toute notre attente et notre espérance, alors que nous bénéficions dans le temps présent des arrhes, par l'Esprit, de ce qui nous est réservé dans l'avenir, et que nous nous mettons au service de Jésus pour servir de signes avant-coureurs de cette espérance, l'assurance de "recevoir les biens promis" par Jésus, à travers l'établissement du Royaume, "un lieu où il fait bon vivre, pour tous, devant Dieu", alors qu'il récapitule toute chose en Christ et devient tout en tous (Ép 1.10 ; 1 Co 15.28).

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