La prière du prédicateur

Dans le livre XI des Confessions, Augustin d'Hippone, avant de se lancer dans une réflexion théologique et philosophique (les deux n'étaient pas distinctes à son époque), fait une prière qui m'a profondément marqué, en tant qu'enseignant de la Bible. Je vous la partage, pour qu'elle puisse servir d'inspiration à nous tous, avant de nous plonger dans l'étude et l'exposition de la Bible.

"Que vos saintes Écritures soient mes chastes et innocentes délices ; que je ne sois point trompé en elles, et que je ne trompe point les autres par elles."

En soi, cette prière suffit. Mais j'aimerais juste faire ressortir quelque petits éléments :

Le respect des Écritures

Il ne parle pas seulement des Écritures. Il les attribue à Dieu. Ce sont les siennes. Il en est l'auteur ultime, par-delà les hommes qui ont mis par écrit ce que l'Esprit leur inspirait (provenance divine). Les Écritures ne sont pas les nôtres. Elles sont en notre possession, mais elles viennent de Dieu et elles lui sont attribuées (appartenance divine). Nous n'avons aucun droit de les faire se plier à notre volonté. C'est Dieu qui parle, par elles.

Et elles sont "saintes". Ce qui signifie "mises à part". C'est, une fois de plus, une expression de leur appartenance, mais aussi de leur provenance. Elles sont mises à part pour Dieu, totalement parfaites et dénuées d'erreur, parce que venant d’un Dieu parfait qui ne ment jamais. Les mots utilisés par Augustin dénotent un profond respect pour la Bible.

Le délice des Écritures

Mais ce respect n'est pas un détachement froid et impassible. Augustin demande qu'elles soient ses "chastes et innocentes délices". La Parole de Dieu est quelque chose duquel on est appelés à se délecter, parce qu'elle est la révélation de la pensée, la volonté, la nature de Dieu en nous présentant Jésus.

Ne lisons pas la Bible par légalisme. Elles contiennent les paroles de la vie éternelle, la révélation de Dieu lui-même, dans la présence duquel se trouvent foison de joies et vie en abondance.

La recherche de la compréhension

Cependant, ce n'est pas que pour vivre un "buzz spirituel" qu'Augustin s'approche des Écritures. Il sait que la plénitude de délices ne se trouve pas autre part que dans le fait de contempler, avec tout son être, le contenu et le sens réel des Écritures, plutôt que toute interprétation fumeuse qu’il voudrait lui donner. Le vrai lui parle et lui plait – riche qu'il est de la confiance que la plus vraie de toutes les vérités est l'abondant, éternel et infini Dieu trinitaire, qui est vie et être absolu et entier. Il veut le connaître. Ne pas être trompé par ses propres aveuglements alors qu'il lit la Bible.

La recherche de l'intégrité

Enfin, il demande à ne pas "tromper les autres par elles". Il est très conscient qu'en tant qu'enseignant, il a une opportunité énorme : celle de manipuler les autres. Dans l'Église, celui qui en sait le plus sur la Bible détient le plus de pouvoir. Il peut, parce qu'il en sait plus que les autres, dire ce qu'il veut et conduire les autres à le croire. Augustin fait le pari de l'intégrité : ce ne sont pas ses Écritures, mais celle de Dieu. Ce n'est pas son Église, mais celle de Dieu. Il ne recherche pas sa vérité, mais celle de Dieu. Et il demande de la trouver, dans la Bible, et de s'y tenir, alors qu'il l'enseigne.

Voilà pourquoi j'appelle cette prière "la prière du prédicateur". Puissions-nous avoir les mêmes sentiments dans notre cœur, nous tous qui sommes appelés à enseigner la vérité de Dieu depuis "ses saintes Écritures". Je vais finir cet article en donnant une deuxième citation d'Augustin, aussi tirée des Confessions, alors qu'il étudie les écrits de Moïse : 

"Je vous conjure [...] de me faire entendre par votre grâce ce que votre grâce lui a fait écrire."

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