Un peu de sérieux... – Un christianisme sans intelligence

Cet article fait partie d’une série d’articles dans laquelle je cherche à appeler le mouvement charismatique auquel j’appartiens à quelque chose de plus équilibré, de plus puissant et de plus biblique.

Il y a différentes versions du truc : 

  • Ah, mais il faut oublier tout ce qui est raisonnements, etc. Ça, c'est la pensée grecque plutôt que juive... 
  • Non mais si tu réfléchis trop, t'es en train de marcher par tes propres forces et tu ne "marches pas par l'Esprit" de Dieu.
  • Tu sais, ton cerveau il active ton âme, alors que c'est avec ton esprit que tu vis ta relation avec Dieu.
  • "La lettre tue mais l'Esprit fait vivre"
  • Mais en fait on est appelé à aimer Dieu, pas à être dans la connaissance. Parce que "la connaissance enfle mais l'amour édifie"
  • Jésus n'a jamais fait de théologie...

"Jésus n'a jamais fait de théologie" ?!! Jésus EST la théologie ! Il est le Fils incréé qui vit dans le conseil du Père de toute éternité, la révélation totale de Dieu – divinité éternelle, immortelle, immuable, souveraine, invisible, faite chair. Par lui nous voyons Dieu et nous savons comment est Dieu. Celui qui a vu le Fils a vu le Père. 

Et ce qui est intéressant, c'est que Jésus, à un moment donné dans sa vie, a mal cité la Bible. 

Et là on va me dire (avec une voix à la Louis de Funès) : "ah ! Tu vois, là ! Lààà ! La lettre tue mais l'Esprit fait viiiiiivreuuu !"

Oui, Jésus a mal cité la Bible. Deutéronome 6.5 dit ceci : "Tu aimeras l'Éternel, ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta force."

Et là, moi je vous dirai (avec une voix à la Numerobis) : "j'ai l'impression qu'il manque un p'tit keltchose..."

Parce que quand on vient demander à Jésus quel est le plus grand de tous les commandements, il cite Deutéronome 6.5, mais il rajoute quelque chose – une partie de notre être avec lequel on est appelés à aimer Dieu aussi : notre pensée.

Et là, on a un énorme problème. Parce que dans les milieux charismatiques, notre anti-intellectualisme nous a conduit à justifier toutes sortes de choses, qui ne vont pas, bibliquement. On fonctionne avec un sévère manque de sagesse dans la façon de prendre des décisions quotidiennes, on déconnecte notre foi de notre intellect. Tout ceci nous rend extrêmement vulnérables à toutes sortes d'écueils. Nous sommes à la merci des faux-enseignants. 

Je ne peux pas vous dire le nombre de mes frères et sœurs charismatiques qui ont été séduits par des fausses doctrines concernant la Trinité. Des enseignants sont venus et ont enseigné le modalisme (une hérésie vieille comme le temps, qui a été démontée déjà dans le cours de l'histoire de l'Église, et qui revient sous des nouveaux noms, comme "Jésus-seul", etc.). Nous nous laissons entraîner dans des affabulations sur la fin des temps. Nous confondons tout discours qui peut avoir trait au monde des esprits avec un enseignement biblique, et nous avons ainsi laissé entrer une vision du monde marquée par la superstition et l’animisme.

Le plus curieux dans tout ça est que, sous couvert de rejet d’un certain type de pensée (parce que c’est de ça qu’il s’agit en réalité... Nous pensons tous, mais simplement nous ne pensons pas tous selon la vision du monde enseigné dans la Bible), nous nous alignons à un autre type de pensée qui est dérivé tout droit d’un philosophe... grec ! Ce qui est rejeté par beaucoup de charismatiques est une vision du monde qui descend plutôt d’Aristote (qui voyait le monde à partir de ses observations du monde matériel). Et oui, cette pensée, qui a conduit au rationalisme moderne, est critiquable. Mais sans s’en rendre compte, notre mouvement charismatique s’est jeté tout droit dans les bras du prédécesseur d’Aristote : Platon. Pour Platon, on voit le monde en rejetant radicalement les choses matérielles. Or ce rejet du monde matériel a inclut, dans le milieu charismatique, un rejet de la pensée – l’activité du cerveau, au profit d’un idéal qui met le spirituel sur un plan totalement différent de notre pensée.

S’en suit un christianisme sans cervelle, qui se méfie de toute pensée qui fait usage de bon sens et d’une sagesse qui est pourtant modelée et vantée comme une chose à laquelle aspirer, peut-être par dessus tout le reste, quand on veut vivre une vie selon le cœur de Dieu (1 Rois 3.11-13). Oui, nous ne cherchons pas “cette sagesse [...] de ce temps [de ceux qui ont] crucifié le Seigneur de la gloire” (1 Co 2.8), de ceux qui “n’ont pas connu Dieu en voyant sa sagesse” (1 Co 1.21). Cependant “c’est pourtant bien une sagesse que nous enseignons parmi les hommes mûrs, mais une sagesse qui n’est pas de ce temps” (1 Co 2.6).

On cite souvent le verset où Paul dit que la connaissance enfle (1 Co 8.1). Mais lisez la suite du verset : ce qu’il reproche, c’est une connaissance dénuée d’amour. Paul leur reproche de connaître de la mauvaise manière (1 Co 8.2). De la même manière qu’il reproche aux juifs qui n’ont pas accepté Jésus d’avoir “du zèle pour Dieu, mais selon la mauvaise connaissance” (Ro 10.2), et qu’il peut donc y avoir un mauvais type de zèle, quand il est mal orienté, il peut y avoir un mauvais type de connaissance.

Mais par paresse intellectuelle, par un amour trop grand pour les fausses philosophies de Platon, les chrétiens charismatiques ont, en grande partie, abandonné une approche saine de la Parole de Dieu, préférant le sensationnel au raisonné. Cela nous a ouvert à tout vent de doctrine, et si nous n’aimons pas Dieu de toute notre pensée, nous allons finir par nous construire un dieu à notre image, et à l’adorer lui, plutôt que celui que nous voyons dans la Bible. Dès ce moment-là, nous devenons idolâtres. Ne pas aimer Dieu de toute sa pensée nous met sur la pente glissante de ne plus vraiment aimer le vrai Dieu du tout, mais d’aimer celui que nous imaginons être Dieu.

“Frères et sœurs, ne raisonnez pas comme des enfants. Au contraire, pour le mal, soyez des bébés, mais par rapport au raisonnement, soyez des adultes.” (1 Co 14.20)

Donc un peu de sérieux. Revenons à étudier les textes de façon sobre, à connaître Dieu tel qu’il se révèle. Adorons Dieu par une vie de pensée profonde et humble, soumise à lui, éblouie par lui, façonnée par lui.

Retrouvez les autres articles de la série ici : Série “Un peu de sérieux...”

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