Jésus, Platon et Épicure – Le bien-être et Jésus, Pt. 2


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Dans le précédent article, il est bien probable qu’une partie des lecteurs auraient été choqués ou au moins interpellés par la première partie, dans laquelle j’affirme sans ambages que le bien-être émotionnel, matériel, sexuel, financier… font partie de la volonté de Dieu. D’autres auront été choqués ou interpellés par la deuxième partie, dans laquelle j’affirme que cet objectif divin éternel passe parfois par le mal-être de certains dans le temporel, que notre recherche du plus grand bien-être passe parfois par le renoncement à des bien-êtres mineurs, que parfois la souffrance est le scalpel dans la main de Dieu pour nous conduire à devenir plus comme lui, et que les enfants de Dieu sont parfois appelés à mettre leur bien-être de côté pour le bien des autres.

1. Le platonisme dans l’Église

Si vous êtes de ces premiers, il est bien probable que votre vision du monde soit plus marquée par Platon que par Jésus. Vous me direz : « Mais je n’ai jamais même lu Platon ! » Non, mais ceux qui vous précèdent dans la foi l’ont lu et leur théologie en a été marquée, de telle sorte que l’Église porte la marque presque indélébile du philosophe grec…

Si, pour vous, le fait de faire la fête, le fait de boire de l’alcool, d’écouter de la musique non-chrétienne, de jouer aux jeux-vidéos, de passer la soirée à raconter des blagues ou à rire à gorge déployée, d’apprécier un art autre que l’art sacré ou soupeusement « chrétien » ou toute autre chose de ce style vous semble teinté, ou légèrement douteux pour un chrétien né de nouveau, vous tenez ça de Platon plutôt que de Jésus. Pourquoi ? Parce que Platon enseignait que le monde immatériel est profondément séparé du monde matériel ; que le monde immatériel est meilleur, et ainsi que le monde matériel contient quelque chose de teinté, de marqué, de mauvais. Vous vous sentez peut-être tentés de répondre : « Mais la Bible aussi, non ? » C’est à ce point-là que nous sommes platoniciens… Parce que la réponse, en réalité, est « non » à cette question. La Bible ne nous présente pas une telle vision du monde matériel et immatériel. Elle ne sépare pas de cette manière entre le séculier et le sacré, entre le ciel et la terre. Le but de Dieu est d’unir la perfection du ciel à la terre plutôt que de conduire les chrétiens saints et purs à fuir la terre matérielle.

Ainsi, cette tendance si présente dans tant d’Églises à froncer du sourcil face à l’idée qu’une personne spirituelle puisse avoir une vie qui honore Dieu en se donnant à tout ce qui conduit à l’épanouissement humain, au-delà de la prière (et surtout du jeûne !), de l’évangélisation et de l’étude de la Bible, vient de la philosophie de Platon plutôt que l’exemple et l’enseignement de Jésus, le Dieu qui mangeait, buvait, racontait des blagues, travaillait, etc.

La vision biblique du bien-être émotionnel, mental, financier, sexuel, culturel, matériel, culinaire, etc. ne correspond pas à ce platonisme pourtant si présent dans la tradition chrétienne excessivement spiritualisante.

2. L’épicurisme dans le monde (et dans l’Église)

À l’inverse de Platon, sur ce genre de questions, se trouve Épicure, un autre philosophe grec. Pour lui, le but de la vie se résumait presque à la recherche du bonheur ici et maintenant. Cette philosophie marque notre siècle profondément, en dehors de l’Église ; et, comme souvent, ce qui est pensé en dehors de l’Église finit par entrer dans l’Église. D’ailleurs, les personnes qui ont grandi dans un contexte chrétien fortement marqué par le platonisme décrit ci-dessus, sont susceptibles, par revers de balancier, d’aller vers un excès plus proche de l’épicurisme que le christianisme biblique. Le fait d’être choqué ou interpellé par la deuxième partie de l’article précédent constitue une évolution plus récente parmi les chrétiens, et cela porte la marque d’Épicure plus que de Jésus.

La Bible affirme de façon répétée que le plus grand bien humain, dans cette vie et la suivante, est Dieu lui-même. Lorsque nous laissons autre chose que cela guider nos affects, nos passions, notre visée, nous écoutons Épicure plutôt que Jésus, ce qui nous conduit à être choqués par l’idée que la souveraineté de Dieu fait ainsi les choses que, dans les grands conflits du cœur humain au sein d’un monde déchu et marqué par le péché, nous soyons appelés à préférer le meilleur, plus encore que le bon.

Conclusion

L’équilibre de la Bible se trouve ici : le meilleur pour nous et pour les autres se trouve en Dieu lui-même ; et nous expérimentons la vie en abondance de Dieu dans les bienfaits matériels comme spirituels. Notre aspiration à l’éternel prime sur notre appréciation du temporel, mais ne la nie pas ; plus encore : notre appréciation du temporel est un signe et une préparation de notre bien-être éternel. Ainsi, la recherche du bien-être à tous les niveaux est un objectif légitime et même louable, tant qu’il n’est jamais la quête ultime ; mais dans ce monde, cette quête ultime qu’est la joie en Dieu ne peut être dissociée de la recherche du bien-être et l’épanouissement humain dans la vie tout-entière.

Voici donc notre troisième grande idée, dans notre recherche d’une vision biblique du bien-être :

Idée 3 : « L’Évangile de Jésus n’est ni le misérabilisme de Platon, ni l’hédonisme matérialiste d’Épicure. »

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